Samantha Jones au rayon charcuterie

Avertissement : Si vous pensez à un article type critique gastronomique chic new yorkais, vous vous méprenez. Il y a aura certes de la viande et un certain snobisme mais les animaux décrits sont bien vivants et bien mouvants.

Les femmes bien dans leur féminité et curieuses intellectuellement se permettent sans gêne aucune, avec légèreté et gourmandise d’aller visiter des lieux nouveaux pour voir si elles s’y plaisent et s’y amusent. C’est ainsi que notre archétype de la femme libre et audacieuse, que nous appellerons évidement Samantha Jones (car il n’y a aucune autre référence à la hauteur) visita les clubs dits échangistes.

[Petite parenthèse sémantique] Nous éviterons soigneusement d’utiliser le terme « libertin » car, tout comme le mot « romantique », les 20 et 21èmes en ont malheureusement complètement oublié le sens et les utilisent d’une façon terriblement appauvrie. Commençons par le romantisme. A l’origine, il évoque des passions folles, échevelées, souvent impossibles et conduisant à la mort réelle ou métaphorique des personnes atteintes par ces maux dévorants. Aujourd’hui, il désigne des personnes tartignoles, niaises et molles qui expriment leur misérables affections par des clichés labellisés par la société : quelques bougies sur une table face au soleil couchant pour célébrer une date absurde dans une relation en état de mort cérébrale. Quant aux libertins du 18ème siècle, leur liberté existait dans tous les domaines, l’affranchissement sexuel était donc bien concerné mais aux côtés de pensées libres dans les domaines religieux, politiques, morales, artistiques etc… Donc la plupart des clubs échangistes n’étant pas des cénacles où l’on débat entre intellectuels avant/pendant ou après la gaudriole, ils ne peuvent pas être qualifiés de clubs libertins.

Revenons à nos moutons tondus (car le poil, est délicieusement peu représenté dans ces lieux). Samantha se pare de ses jolis atours, talons hauts et robe noire simple mettant en valeur ses atouts et dissimulant ce qu’il y a de moins avenant (en l’occurrence la peau d’orange qui fleurit délicatement sur le haut de ses cuisses et son petit ventre d’amatrice de bières et de raclettes). Ses amies font de même, attrapent leurs mâles et s’en vont en stage découverte ! Le lieu est vraiment sympathique, le personnel est accueillant, bienveillant et nos aventuriers se sentent très vite à l’aise. Ils craignaient du glauque, du vulgaire et bien que nenni ! Tout est serein et naturel… Trop naturel même… C’est là que le bât va blesser pour nos esthètes en vadrouille.

Car ils vont vite être interloqués : Mireille, 65 ans, une poitrine de vache laitière ayant trop vêlé, n’attendra pas le dessert pour déballer son poitrail sur la table, coupant ainsi l’appétit de Samantha. La sexagénaire dénudée est accompagnée par son tendre époux, Gérard, au visage figé pour l’éternité par la chirurgie esthétique, qui achèvera le tableau en tripotant la bavante poitrine. Pendant ce temps là, la voisine, jeune femme décharnée, déambule nue, de table en table rayonnante au milieu de tous ses os, pour saluer ses amis. Un autre jeune couple qu’on pourrait qualifier de geeks répand son sébum et ses couches adipeuses sur les canapés. S’ils n’étaient pas dans un club échangiste, Samantha aurait mis ses fesses au feu qu’ils étaient puceaux et le resteraient au moins jusqu’à ce que le royaume des borgnes devienne celui des aveugles.

Plus loin, la piste de danse s’est remplie de femmes qui, contrairement à nos amies, se moquent de mettre en valeur leurs atouts, elles étalent des marchandises variées et avariées: la cellulite est au vent, les fesses molles bloubloutent au rythme endiablé des chansons, les ventres rigolent grassement et les cuisses dodues se frottent tandis que les maigrelettes s’entrechoquent. Elles portent les tenues moulantes et suggestives qui leur plaisent au mépris des normes guindées de la société et de ce que nos amis élitistes considèrent comme le bon goût. Quant aux hommes, nous avons moins à redire car eux portent les costumes sociétaux qui cachent les anatomies : vestes, chemises et pantalons. Et ils sont très courtois, beaucoup plus que les mâles lambdas dans les boites traditionnelles qui vous abordent avec la délicatesse de phacochères lancés au galop. Du coup, nos anthropologues du sexe sont aussi sur la piste, et elles ont l’air de carmélites en noviciat avec leurs robes qui voilent leurs complexes, de prudettes coincées du bulbe avec leurs regards légèrement réprobateurs sur les nudités environnantes.

Encore plus loin, dans les coins dits « calins » les étreintes de ces corps libérés des carcans de l’esthétique vont se poursuivre mais Samantha et ses amies n’y participeront pas, elles rentreront brecouilles dans leurs foyers en se disant que ces lieux sont sympathiques et conviviaux mais bien trop éloignés de leur vision esthétisante du sexe pour allumer leur lubricité. Ne voulant pas rester sur un échec, elles se disent que la prochaine fois, elles traîneront leur arrogance dans le milieu fetish….

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©CaroleDarkshaw2020

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