Besoin de rien, Envie de toi…

Avertissement : Cet article n’est pas l’annonce d’un revival du « tube » de Stone et Charden, il s’agira plutôt de faire la part des choses entre la limace suppliante et la loutre conquérante.

Vous l’aurez sans doute remarqué, il y a plusieurs façon de faire peur à un homme moderne. Pour certains, ce sera la phrase « j’ai besoin de toi », dite avec des yeux implorants bordés de larmes et la respiration hachée par les abysses du vide affectif. La froide lucidité nous rappelle toutefois que ce besoin là a été réel dans le monde pendant des millénaires : longtemps, la femme a été dépendante de son homme (ou de son père) financièrement, judiciairement, moralement etc… Il lui était impossible d’être autonome du fait de la société et aujourd’hui encore, malgré l’émancipation, cette autonomie et ses possibles demandent à être consolidés. Tout cela pour dire, que le sentiment de peur chez le partenaire mâle sera très relatif et rarement rédhibitoire (sauf pour amoureux éperdus de leur liberté ou phobiques des engagements.)

Passons donc à la deuxième phrase source d’une épouvante plus spectaculaire : « je n’ai pas besoin de toi, j’ai envie d’être avec toi ». Celle-ci provoquera un moment de sidération suivi d’une angoisse puis d’une colère. Développons l’enchaînement de ces émotions. La sidération paralysante sera provoquée par le caractère historiquement inédit de la phrase et le naturel parfait de la femme qui l’énonce. L’angoisse vertigineuse arrivera lorsque l’homme en déduira (à tort) qu’il ne servira à rien dans cette relation et par extension, à rien dans l’univers tout entier. Et la colère primitive viendra couronner le tout car, la meilleure défense étant l’attaque, l’homme se dira que la femme n’ayant pas besoin de lui est une furie hystérique qui répandra ses envies auprès de myriades d’autres hommes.

C’est évidemment un problème de communication et de mauvaise compréhension du fond. Je vais utiliser des notions qui sembleront un peu new-age/flûte de pan/tunique safran mais elles sont pleines de bon sens. Il faut bien différencier l’amour par le vide et l’amour par le plein. Le premier se rapproche de ma métaphore ci-dessus de la limace suppliante, il consiste à essayer de combler ses failles par la relation amoureuse. Le couple est alors sur-investi, nous pensons qu’il est seul capable de transcender notre quotidien morne, de dissiper notre mal être, nous serions prêt à épouser une chèvre si elle bêlait de façon plus intelligible ou une plante verte si elle avait des bras affectueux. Nous sommes prêts à tout accepter pour ne pas retrouver l’étiquette lépreuse du célibat, nous rampons dans notre bave pour ne pas perdre la possibilité de dire « nous » dans les conversations autour de la machine à café. Et pour que ce simulacre de couple perdure, nous choisissons des partenaires ayant le même problème de vide et les failles se creusent, le dépit se transforme en aigreur, la morosité de la relation apparaît. A long terme c’est désastreux et le sentiment de solitude ainsi que les névroses pré-existantes ne font évidemment qu’empirer.

Alors que l’amour par le plein est plus proche dans le règne animal de la loutre conquérante. Il consiste à travailler sur soi et sur toutes les sphères de notre existence (travail, famille, amis, loisirs, vie culturelle etc…) afin de ne pas être réduit à une de nos facettes et enrichi par leur multiplicité. Il est rare que nous ayons en même temps le combo gagnant : famille formidable, boulot rémunérateur et passionnant, créativité échevelée, mec aimant et aimé et vie amicale et festive endiablée. Mais au moins, lorsqu’un de ces pans est moins reluisant, nous ne sommes pas en train de ramper au fond du gouffre, nous barbotons gaiement avec notre fourrure lustrée et nous pouvons envisager la vie en couple de façon enthousiasmante et équilibrante. Ce n’est pas un but à tout prix, une place vacante ouverte à tous les perdus de la terre. C’est une aspiration à du mieux, à un partenaire singulier qui nous corresponde vraiment. Dans ce cas, les périodes en solitaire ne sont pas ressenties comme des périodes de solitude et il n’y a pas d’urgence absolue à être avec quelqu’un, il s’agit juste d’une envie, d’un désir. La rencontre sera une cerise sauvage et caramélisée sur un gâteau moelleux et goûtu constitué de plusieurs strates de chocolat toutes plus délicieuses les unes que les autres.

En conclusion, si vous voyez les jolies lèvres de votre non moins jolie partenaire prononcer ces mots « je n’ai pas pas besoin de toi, j’ai envie d’être avec toi », n’ayez pas peur, soyez plutôt flatté d’être cette personne distinguée et emmenez là danser sur du Stone et Charden (ou tout autre musique plus actuelle ou plus démodée qui vous fera onduler et chavirer ensemble).

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©CaroleDarkshaw2020

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