Un combat perdu d’avance : La guerre du poil

Avertissement : Si tu aimes tes poils, que tu les gardes, les brosses, les lustres, ne lis pas cet article car il est écrit par une méditerranéenne qui leur voue une haine héréditaire.

En tant que féministe, je ne saurais trop vous dire qu’il faut être de tous les combats et pourtant, je dois me résoudre à vous signifier qu’il en existe un perdu d’avance : la lutte contre les poils. Ils seront toujours plus nombreux et plus vigoureux que vous, vous narguant méchamment avec leur petite tête de bulbe.

Étant dotée d’une pilosité de méditerranéenne, le théâtre des opérations est une surface très étendue, je peux donc vous faire part d’une réelle expertise en la matière et témoigner de nombreuses années de vain désherbage. Toutes les méthodes y sont passées, des décolorations pour adolescente au feu du rasoir en passant par l’inutile crème dépilatoire ou l’épilateur mon plus fidèle animal de compagnie. Une personne de mon entourage, elle-même appartenant à la grande famille des Choubaka du sud, a même eu recours au laser pour un poil noir, dru et rebelle honteusement implanté sur son menton. Et bien, même le dermatologue a baissé les bras après l’avoir foudroyé au laser trois fois : il n’y avait rien à faire, l’indésirable repoussait vaillamment. Ce qui m’amène à la conclusion suivante : en cas d’attaque nucléaire, nous savions déjà que les scorpions et les cafards survivaient mais il faut leur ajouter un troisième compagnon, le gai luron poil méditerranéen qui leur tiendra chaud pendant l’ère glacière et les enchantera avec sa conversation enjouée.

Passons à présent à de plus réjouissantes nouvelles : depuis quelques temps, j’ai eu le bonheur de constater que les hommes aussi se confrontaient à leurs poils et se débarrassaient des moquettes sur torse ou des encombrantes peluches du bas ventre. C’est un plaisir visuel, un délice au toucher, une merveille à lécher… Les plus zélés d’entre eux ont même fait un grand ménage de printemps, se débarrassant aussi des poils des jambes et des avant-bras. Pour les jambes, j’ai interrogé subtilement un de ces mâles et il n’avait pas approché de vélo depuis que le tour de France était passé dans son village dans les années 80 et aucun bonnet de bain dans son armoire n’indiquait qu’il sprinte dans les piscines chlorées, je suis donc restée septique (comme la fosse). Quant à ceux des avant-bras, la délicate pudeur qui me caractérise m’a empêchée de pousser plus avant le questionnement car mon imagination galopante, projetait des images douteuses sur l’utilisation sexuelle d’un avant bras dans des lieux charmants type ferme zoophile ou auberge du fist fucking. (Attention à ne pas les confondre, je vous donne un indice : les animaux qui s’y ébattent ne portent pas le même type de cuir). Mais l’écueil de ce genre de pratique c’est que moi, avec mon ticket de métro et mes avant bras poilus, j’avais l’air d’un animal au lit (et je ne parle évidemment pas de mon comportement après quelques pintes de bières).

Les plus attentifs d’entre vous se seront aperçus de ma tendance animiste, j’en suis ainsi arrivée à croire que les poils étaient doués d’une vie propre et j’ai donc essayé quelques fois de leur parler avec gentillesse mais fermeté. J’ai pris mon courage à deux mains et annoncé à mes poils sous les bras : « Cela fait plus de 20 ans que nous sommes inséparables et que je fais tout pour briser cette relation alors arrêtons de nous mentir et finissons en une bonne fois pour toute, je vous demande de ne plus revenir. » Et bien évidemment, silence radio, aucun effet, ils n’ont pas quitté le nid douillet, moelleux et chaud de mes aisselles. De même pour les poils des jambes si prompts à venir me retrouver que parfois, j’ai à peine eu le temps d’épiler la 2ème jambe que ceux de la 1ère ont déjà repoussé ! Tant d’affection, c’est beaucoup plus que je ne peux en supporter, cela m’épuise…

Les plus naturels d’entre vous pourraient me suggérer que le combat étant perdu d’avance, je devrais accepter de cohabiter avec cette tribu velue. Des féministes d’un autre courant que le mien objecteraient qu’il est possible de s’affranchir de la domination phallocrate en cessant de s’en prendre à ces petits êtres luxuriants. Des fantaisistes fétichistes des licornes me conseilleraient de suivre une mode récente et de parsemer mes aisselles ou mon pubis de paillettes et de couleurs qui se mêleraient aux touffes abandonnées pour leur donner bonne mine. Et bien non, je ne m’y résoudrai jamais, mon dégoût n’est pas raisonné ni sociétal, c’est un héritage très encombrant. Donc une telle une Walkirye, je lutterai jusqu’au bout !

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©CaroleDarkshaw2020

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