Ghost ou la lâcheté des limbes…

Avertissement : Si vous aimez les histoires de fantôme, l’article qui suit est certes terrifiant, il y aura des draps blancs et des cris, mais il ne vous offrira pas le même type de frissons spectraux.

Amoureux des mots et admirateurs du Larousse, vous avez sans doute noté l’apparition dans nos conversations d’un anglicisme, le « ghosting ». Il ne désigne pas des voyages touristiques dans les châteaux d’Écosse ni un fétichisme douteux sur Casper le fantôme enfantin, il s’agit plus basiquement d’une disparition (qui n’est pas inquiétante selon la gendarmerie). Une personne qui soudainement ne vous répond plus, voire vous bloque et disparaît de tous les radars.

Pour que le ghosting soit avéré, cela doit bien évidemment intervenir sans aucun signe avant coureur, sans disputes, sans explications, seulement le SILENCE… Les plus optimistes ou les plus candides, se diront que la personne est peut-être décédée et dans ce cas, étant très à cheval sur la politesse, j’accepterai, dans ma grande mansuétude, de pardonner à l’indélicate personne qui m’aurait ghostée. Mais non, ils sont, malheureusement pour l’espèce, bien vivants. Enfin si on peut appeler « vivant » une personne tellement lâche qu’elle ferait passer une pétoncle dans sa coquille pour un guerrier iroquois assoiffé de sang.

Mais revenons un instant sur le contexte : le ghosting intervient le plus souvent dans les relations amoureuses/sentimentales/sexuelles et ici nous étudierons le phénomène chez les mâles. Étant une professionnelle appliquée, j’ai interrogé des hommes pour en avoir le cœur net et deux explications principales ont vu le jour : la peur et le déni.

Alors pour la peur, j’ai été interloquée d’entendre le terme de la bouche d’un ghoster, il avouait (ce qui déjà n’est pas mal pour une personne aussi couarde) qu’il avait peur de « ne pas plaire, de ne pas être à la hauteur  (dans les draps blancs, il fallait bien qu’ils apparaissent quelque part)» et que du coup, il préférait la fuite dans le SILENCE plutôt que de se confronter à la femme en face de lui dont il craignait la déception mais aussi la colère et la frustration. Alors que paradoxalement, c’est précisément ce ghosting qui suscite les 3 cavaliers de l’apocalypse (le 4ème est en RTT) que sont la déception, la colère et la frustration. Car s’il avait assumé ses doutes en face de la femme concernée, verbalisé ses blocages, mis des mots sur ce qui le dérangeait, la femelle en question aurait utilisé sa liberté de pensée pour accueillir ces émotions singulières, les comprendre, les accompagner ou les dissiper. Un simple dialogue aurait désamorcé la situation et l’histoire aurait pu soit s’arrêter mais de façon courtoise cette fois-ci, soit continuer dans un grand éclat de rire ou dans une partie de chambre en l’air enfiévrée.

La deuxième explication est plus fourbe car plus souterraine, le déni. Un ami mâle qui l’avait pratiqué me l’a expliqué en mode scientifique : tel le chat de Schrödinger, le ghoster n’est ni vivant ni mort. Je développe : en choisissant le ghosting, la personne se dispense de choisir, elle ne prolonge pas une relation mais elle n’y met pas fin non plus. Elle s’en sort donc en paix avec sa conscience, elle n’a pas été lâche, elle croit ne pas avoir été désagréable et elle se protège. A ce stade, la pétoncle elle-même commence à avoir la bave aux lèvres, de rage et de dépit et elle regrette que le napalm soit moins efficace sous l’eau car elle tenterait bien une expérience sur un ghoster ! Enfin bref, je m’embrase ! Tout cela pour dire qu’il est bien triste qu’à l’heure du virtuel galopant et de la communication qui est prétendument partout, les êtres humains ne se rappellent plus les rudiments de la politesse et de la vie en société qui veulent qu’on respecte ses semblables et autres interlocuteurs. Il faut signaler également qu’à de rares exceptions près, personne n’est mort foudroyé après avoir dit la vérité (ceux à qui c’est arrivé portaient un chapeau en forme de paratonnerre, c’est donc de la sélection naturelle).

En conclusion, je donnerai un simple conseil de bon sens, type manuel de survie à l’usage des ghosters, un simple « Oui. Non . Ou même Va te faire voir . » sera toujours préférable au SILENCE donc un peu de courage, nom d’une pétoncle en plastique !

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©CaroleDarkshaw2020

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