La vieille fille en couple ou le célibat à deux

Avertissement : Si vous collectionnez les étiquettes comme d’autres collectionnent les timbres, cet article va brouiller vos prés carrés avec ses antithèses donc fuyez ma prose tant qu’il en est encore temps.

Au temps jadis, les catégories socio-amoureuses étaient simples et définitives : les jeunes célibataires, la vieille fille, le vieux garçon, les êtres mariés et les veufs et veuves qui survivaient à cette épreuve. Mais aujourd’hui, à l’ère du modernisme, des flous et des innovations, tout arrive, nous nous arrêterons sur deux exemples qui peuvent avoir l’air saugrenus au premier abord : la vieille fille en couple ou le célibataire à deux.

La vieille fille en couple ressemble à s’y méprendre à sa presque homonyme du siècle précédent : elle est terne visuellement et quotidiennement. Le gris est sa couleur de vie, elle n’a pas de passion, suis un rythme basique type métro/boulot/dodo sans éprouver le besoin de s’en émanciper, étouffée par la morosité et la solitude. Sauf que cette solitude est toute relative car en regardant bien, on débusque dans son appartement grisâtre un être vivant tout aussi gris (qui n’est pas son chat obèse ni son yucca asthénique)… J’abrège ce suspens insoutenable et je vous le donne en mille, il s’agit du vieux garçon en couple. Ils vivent côte à côte sans partager de réelle intimité car ils ne parlent que de choses en surface (le programme télé, les courses, leurs répétitives journées de travail, les vacances dans leurs familles interchangeables) et pratiquent une version édulcorée de la sexualité (un coït devant l’émission du samedi soir, fréquence pouvant monter à deux fois s’ils cherchent à se reproduire pour meubler un peu leur vide et la pièce au fond du couloir).

Ils n’ont pas d’âge, ils sont intemporels, peuvent avoir 25 ou 50 ans sans avoir vu les secondes et les années glisser sur leur enfermement. Ces gens sont légions et la société ayant évolué, ils ne sont heureusement pas stigmatisés comme l’étaient leurs homonymes. La plupart restent dans ce carcan pour l’éternité et quelques uns, suite à ce qu’on appelle avec euphémisme un accident de vie (chômage, deuil, maladie) ou une rencontre (collègue inspirant, livre initiatique, ami d’enfance réapparu), se réveilleront et mettront des explosions de couleurs dans leur vie pour se rattraper du manque d’oxygène des années passées.

Venons en au célibataire à 2. Il ne croise que rarement les spécimens ci-dessus, trop occupé à jongler avec son rythme trépidant : le travail stimulant, le sport, les apéros avec les potes, les concerts, expos et quelques brèves périodes de fusion avec le canapé pour recharger ses batteries, regarder quelques séries et dévorer des livres. Et là encore, stupeur, si vous fouillez son téléphone, vous débusquerez quelques tendres messages et si vous observez sa chambre à coucher, vous la verrez souvent partagée avec un autre être humain (étonnamment, loin du cliché attendu, il s’agit toujours du même), un autre célibataire en couple. Ces deux êtres ont fait le choix de ne pas limiter la notion d’intimité aux factures partagées et au fait de consacrer tout leur temps à s’ennuyer ensemble. Ils ont décidé que l’intimité était plus belle grâce à leurs indépendances, nourrie par les multiples passions et activités qu’ils mènent ensemble ou séparément. Ils ont ainsi perpétuellement des choses à se raconter et ont toujours une envie folle de se retrouver pour des moments affranchis de la routine.

Eux non plus n’ont pas d’âge, ils ont parfois 20 ans quand ils rigolent bêtement devant des blagues éculées ou 50 ans quand ils dégustent de bons vins en argumentant sur les désespérances sociétales. On pourrait se méprendre et croire qu’ils sont nombreux car la boboïsation de la société prône ce modèle d’ouverture mais en fait ils sont plutôt rares car justement, ils n’ont pas de modèles à suivre. Leur célibat à deux peut durer des dizaines d’années ou cesser après quelques mois mais leur liberté demeure. Alors, en général, ils survivent à la mort de leur sentiment amoureux et peuvent même le transcender en devenant un oxymore des ex/amis.
Il n’y a aucune morale ou conclusion à tout cela, simplement l’idée que c’est à chacun de définir son mode de vie amoureux, il existe quantité de choix entre ces deux extrêmes et vous pouvez également faire preuve de créativité en inventant votre propre antithèse : polyamoureux exclusif, libertin chaste, sado maso allergique au latex, veuve joyeuse, zoophile amoureux d’un arbre….


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©CaroleDarkshaw2020

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