Les rustres, goujats et autres malappris…

Avertissement : Cet article n’est pas un réquisitoire borné contre les mâles en général, car Simone de Beauvoir ne le me pardonnerait pas. Il s’agit simplement de rencontres malencontreuses avec certains spécimens sortis péniblement des cavernes sans même avoir inventé le feu, la roue ou les peinture rupestres.

Les contes de fées sont une légende pré-urbaine assénée aux petites filles quand elles sont encore fraîches et innocentes pour leur faire croire que leur vie amoureuse sera un long fleuve tranquille et qu’elles rencontreront à coup sûr le prince charmant. De mon avis personnel, le prince charmant serait probablement assommant d’ennui et de monotonie, figé dans sa perfection la plus dégoulinante de niaiserie, mais cela n’engage que mon cynisme passionné. Donc, pour celles qui chercheraient malgré tout ce prince, il existe une certitude : il faudra embrasser pas mal de crapauds avant de le trouver. Je vous invite donc à plonger dans les abysses marécageux pour en rencontrer quelques uns…

Commençons au coin du feu, comme dans les histoires… Un jeune homme a invité une jeune femme chez lui et connaissant son penchant gourmand pour la charcuterie et le fromage, il a choisi de la prendre par les sentiments et de lui préparer une raclette. La jeune femme est détendue dans le canapé, en plein apéro et elle discute avec son hôte, drôle et captivant qu’elle connaît depuis peu. Elle goûte sa compagnie des lèvres sans toutefois savoir si elle souhaite aller plus loin avec lui. Mais comme il n’y a aucun signe d’urgence qui clignote, elle se laisse aller au moment. Le futur malappris tente une approche physique et quelques baisers sont échangés. Ils sont chastes et réservés pour elle car elle n’est pas prête à des assauts directs, mais dans son ardeur soudaine et égocentrée, il ne s’en rend pas compte et cherche à aller plus loin. Elle s’éloigne et lui signifie son malaise avec cordialité. Il le prend mal, se lève, théâtral, se drape sans sa dignité et lui déclame avec force « je retourne en cuisine car les patates sont plus chaudes que toi… ». Inutile de vous préciser qu’il a finit la soirée avec pour seule compagnie ses pommes-de-terre au tempérament de feu.

A présent, je vous emmène au musée : Notre héroïne sort depuis quelques mois avec un jeune pompier avenant physiquement mais assez précaire culturellement. Elle lui a proposé de partager avec lui certains loisirs artistiques et il lui a répondu qu’il avait l’esprit ouvert. Les voici donc un matin dans un musée d’Arts, prêts à se pâmer devant les grands maîtres. Notre protagoniste s’essaie à la pédagogie, elle commence par la statuaire et sa sensualité pour éveiller l’intérêt de son amant : regard éteint, moue ennuyée… Elle passe à l’art contemporain pour susciter ses moqueries ou ses protestations : pas de pouls, sourcils froncés. Elle l’emmène vers les peintures guerrières et historiques pour exciter sa fougue virile : encéphalogramme plat mais il trépigne… Elle lui propose donc de se balader seul dans l’immense palais et de lui faire signe si quelque chose l’interpelle. Quelques minutes plus tard, elle l’aperçoit au loin, figé, recueilli, attentif, devant une œuvre qu’elle distingue mal et se réjouit de pouvoir bientôt partager avec lui cet émoi. Elle s’approche à pas feutrés et constate avec stupeur qu’il est fasciné par le plan d’évacuation incendie… Un professionnel en toute circonstance mais à jamais insensible aux raffinements…

Maintenant pénétrons plus avant dans le sujet : cette fois, nos deux personnages sont en pleine intimité, ils abordent avec fougue les préliminaires quand soudain, Monsieur a un geste connu pour être le comble de la goujaterie pré-coït : il tente de lui appuyer sur la tête pour lui faire passer un message avec la subtilité d’un sanglier lancé au galop. Si nous comprenons cette envie toute légitime, les services de la Fée Lation étant connus pour leurs délices, c’est le procédé qui nous consterne. Il existe tant d’autres moyens pour guider sa partenaire : incitation mimétique en s’occupant d’abord d’elle, figure mathématique du 69 ou pour les moins créatifs, invitation orale sans injonction… Notre amie pleine de mansuétude et de tolérance face aux lourds sabots de son amant, s’exécuta cependant et lui offrit la gâterie que les règles de la bienséance auraient dû lui refuser. Ravi de ce cadeau, il eut l’idée rustrement saugrenue de lui témoigner sa reconnaissance en lui tapotant la tête et en la gratifiant d’un « good girl » (il était australien, d’où le recourt à l’anglais). La jeune femme, qui eut alors l’impression d’être un poney recevant un sucre, se promit de ne plus jamais toucher à cette friandise là…

Pour conclure, je tiens à remercier les batraciens malappris car c’est grâce à eux que nous élaborons nos expériences les plus cocasses et apprenons assez vite à discerner les algues poisseuses de la goujaterie lors de nos nouvelles rencontres. De plus, les bains de boue étant bénéfiques à votre peau, vous serez fraîches et douces pour accueillir l’élégance et la bienveillance des Princes aux charmes singuliers.

Les commentaires sont fermés.

©CaroleDarkshaw2020

Retour en haut ↑