Marions-les!

Avertissement : Ceci n’est pas une publicité pour le salon du mariage car je pense comme Brassens qu’il est mieux de ne pas mettre nos noms au bas d’un parchemin*. Il s’agira simplement de remettre au goût du jour la bonne vieille tradition des entremetteuses !

Avouez que vous l’avez déjà fait ou qu’au moins vous y avez pensé : mettre en contact deux personnes qui vous semblaient « bien aller ensemble » romantiquement parlant. Comme une vieille marieuse courbée du village du temps jadis, vous avez pris un petit air conspirateur et mystérieux pour arranger une rencontre. Bien évidemment, vous l’avez diluée dans une soirée/un apéro/un repas entre amis pour que nos deux célibataires ne se sentent pas accablés par la gêne, vos manigances, l’oracle qui leur assurait un avenir radieux.

La première fois que j’ai composé un couple, je n’ai eu aucune difficulté et aucun mérite car il s’agissait d’un bouquet d’artichauts (pas d’archi-chauds, ce qui aurait pourtant été aussi facile). En effet, ces chers amis étaient du genre à s’amouracher avec fulgurance, leurs petits cœurs palpitaient à une vitesse folle à la moindre rencontre et très vite ils projetaient des avenirs de conte de fée sur leur couple de 2 jours d’âge. Et bien évidemment, ils faisaient peur à leurs partenaires moins enthousiastes, plus pragmatiques, plus tempérés. Je me suis donc dit qu’il serait intéressant de leur offrir un effet miroir, afin de voir si l’explosion sentimentale aurait lieu. Et elle a eu lieu ! Pour une fois, la personne en face n’était pas effrayée par le débordement sentimental immédiat, elle le partageait, l’appréciait et l’amplifiait. Nos deux artichauts ont donc pu cesser de gaspiller leurs feuilles et se ramifier en une famille dotée de quelques enfants.

Par la suite, j’ai pris plus de risques et osé des combinaisons audacieuses ou plus finement pensées. J’ai associé des rêveurs qui planaient si haut au dessus de la parade nuptiale que j’ai du leur dicter des textos pour parvenir à ce qu’ils quittent le virtuel et s’adonnent aux délices du charnel et de la poésie des sens. Certains rendez-vous étaient des embuscades tendues seulement à l’un des partenaires potentiels, car un des célibataires avait jeté son dévolu sur l’autre et demandait la complicité du groupe pour briser la glace. Nous avions ainsi des consignes strictes pour favoriser le rapprochement : interdiction d’aller fumer sur le balcon quand l’un ou l’autre y allait, lancement artificiel de conversations les intéressant tous les deux, plan de table (ou plutôt d’apéro) digne d’un dîner chez l’ambassadeur pour être sur qu’ils soient en capacité de communiquer avec fluidité ou de se faire du pied etc…

Et puis, il y a eu les ratages (pas tous vraiment ratés) quand on sollicitait mon aide. J’avais un collègue que je pensais intéressé par les hommes du fait de ses outrances théâtrales, de ses cris dignes d’un Albin de la cage aux folles, de ses larmes outrancières. Un soir il vient me demander si une collègue commune à un petit ami et je réponds spontanément que non et depuis très longtemps alors que s’il a des amis à lui présenter, ce serait formidable. Devant sa mine déconfite et attristée, j’ai compris qu’il voulait se proposer LUI et j’ai eu atrocement honte de m’être vautrée dans un cliché et d’avoir manqué de nuance…. Autre erreur, un ami en soirée qui me prend à part car il vient de tomber sous le charme ravageur d’une amie à moi qu’il ne connaissait pas. Je lui signale qu’elle est mariée et monogame, il soupire, les étoiles dans ses yeux déclient et il poursuit sa soirée. Il se rabattra sur une autre amie qui lui ressemble un peu quand les vapeurs de l’alcool embrument les esprits et ils passeront la nuit ensemble. Et cela ne leur a pas suffi puisqu’ils ont aussi passé les 6 années suivantes ensemble… Donc pour paraphraser à nouveau Jean-Claude Dus « Sur un malentendu, ça peut marcher ».

Je conclurai sur une règle en vogue dans le milieu des entremetteurs : Si vous êtes vous-même célibataire, que vous mettez deux personnes en contact et que cela fonctionne, chacune de ces personnes s’engagera à vous présenter deux célibataires potentiellement à votre goût ! Cette belle régulation est malheureusement rarement respectée par les ingrats qui vous doivent leur bonheur (ils peuvent aussi vous offrir un enfant de leur première portée pour que vous le vendiez en pièces détachées mais ils aiment encore moins cette règle là)…

*Georges BRASSENS, « La non demande en mariage »

Les commentaires sont fermés.

©CaroleDarkshaw2020

Retour en haut ↑