Miroir, mon beau miroir…

Avertissement : Nous ne partons pas au royaume en guimauve ensanglantée des contes de fées, vous ne trouverez ni Blanche Neige et les 7 nains, ni Blanche Fesse et les 7 mains mais peut-être l’intrépide Alice car nous allons passer de l’autre côté du miroir pour explorer certaines de nos ambiguïtés…

Je prie Lacan et autres spécialistes des entourloupes langagières d’accepter mes excuses. Nous allons certes plonger avec délectation dans le monde drolatique et gênant des lapsus, actes manqués et étrangetés des mots mais nous le ferons sans la moindre caution scientifique, libres, planants et ricanants.

Commençons par le terrible lapsus d’une amie qui m’a inspirée en ce matin blême : je lui demandais très banalement en discutant via messages comment se passait sa vie de couple et elle m’a répondu aussitôt avec une candeur à fendre mon cœur de pierre « ma vide de couple » ? J’ai instantanément visualisé l’espace inter-galactique, sa solitude glaçante, son néant éternel et son silence opaque. Je lui ai fait remarquer et elle a vigoureusement nié, invoquant avec un embarras et une panique croissante une banale faute de frappe. Cette vie de couple est heureusement terminée aujourd’hui mais à l’époque, les échanges et l’affection avaient cédé le pas à un quotidien de froideurs et de dénigrements. Ce qui a fait penser à mon esprit retors que ses mots étaient bel et bien un appel au secours de ses doigts pour interpeller sa tête et son cœur…

Poursuivons par la double face étrangement évocatrice de certains mots de notre belle langue et explorons les plus pessimistes… A l’oral (langue et oralité, mon esprit libidineux donne de la voix, sussure et lèche les mots dans un article sur le langage), les plaisirs au pluriel sont entendus comme des plaisirs et leur contraire « déplaisir ». Est-ce une funeste évocation de la vanité des choses, du fait que tout finit par lasser, se faner et passer ? Ne faut-il pas cependant en avoir conscience pour profiter pleinement et cueillir ces moments précieux et fugaces ?

Si votre bel amoureux vous demande de venir contre lui, au lieu de vous blottir dans ses bras avec la candeur d’une licorne pré-pubère, vous pensez soudain avec angoisse au fait qu’un jour, vous pourriez être « contre lui », vous opposer avec fureur à celui que vous avez aimé dans une séparation dévastatrice et blessante, un divorce implacable et trivial, une tempête qui ravage tout ce que vous avez partagé et admiré. Elle est là, la pensée parasite, mais vous pouvez choisir de ne pas l’écouter car c’est le risque de toute histoire qu’elle ait une fin malheureuse. Alors installez-vous résolument dans l’ici et le maintenant et profitez de ses embrassements.

Et si j’évoque ma faim charnelle, ma gourmandise pour les étreintes, le corps, la peau, je parle aussi de la fin, de l’arrêt, du vide… Tout cela est affaire de perspective, ce n’est qu’un jeu drôle ou un jeu de rôle, celui de la comédie humaine que nous choisissons ou pas de jouer. Alors laissons derrière nous ces tristes auspices qui ne sont bien heureusement pas toujours des présages.

Tournons nous à présent vers un bien bel acte manqué. Nos jeunes femmes habituelles en goguette rentrent de soirée quelque peu avinées et l’une d’entre elles, anxieuse à l’idée de rejoindre son foyer où l’attend son compagnon, se lâche… Elle exprime sa rancune, le fait qu’elle ne sait plus pourquoi elle reste avec cet homme qui l’ennuie et se répète. Pour appuyer ses propos, elle nous dit que même sa mère, qui d’ordinaire est plutôt bienveillante, lui a demandé pourquoi elle restait avec un partenaire sans humour ni intelligence et doté d’un physique si peu avantageux. Soulagée de ces confidences nocturnes, elle rentre chez elle plus calme et est à peine surprise de voir l’assommant personnage, assommé à son tour sur le canapé. Il la regarde éberlué et devant son incompréhension, lui demande de vérifier son téléphone portable… Lequel était évidemment allumé depuis un moment et en ligne avec le compagnon qui avait suivi avec stupeur le réquisitoire odieux contre sa personne. Notre demoiselle, dans sa lâcheté du moment, aura perpétré un acte manqué au moyen d’un petit objet du quotidien car elle n’avait pas trouvé le courage et les ressources pour rompre avec élégance, respect et tact…

Finissons sur une touche à la poésie d’un cliché suranné : si les yeux sont les miroirs de l’âme, méfiez vous des mots, ils sont le miroir de vos maux…

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©CaroleDarkshaw2020

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